Medem

” Sous l’impulsion d’une masse critique de leaders éthiques et de l’attente des citoyen,

les institutions publiques et privées clés de gouvernance sont à l’horizon 2030 positivement transformées

au service de l’intérêt général “.

Arbitrage et lutte contre la corruption

Le développement de l’arbitrage commercial international constitue une étape majeure de l’évolution du droit international économique. Ce mode juridictionnel contractuel de règlement des litiges commerciaux répond au besoin des parties, d’avoir à disposition une justice rapide, efficace, et professionnelle, se caractérisant par la confidentialité de ses procédures et par l’autonomie : choix de l’arbitre, de la procédure et des règles applicables.

 

En parallèle la lutte contre la corruption constitue aussi un aspect majeur du droit international économique moderne. Madagascar a depuis 2004 donné une place plus opérationnelle à cette lutte à travers sa législation, ses organes de lutte contre la corruption, le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme. La lutte contre la corruption judiciaire constitue évidemment un volet important de ses priorités, même si les résultats ne sont pas toujours probants et ne répondent pas encore aux attentes des justiciables.

 

Si arbitrage et lutte contre la corruption ont chacun évolué dans leurs sphères respectives, en réalité ils se rejoignent car comme le juge étatique, l’arbitre doit respecter l’éthique (culture du juge-état d’esprit etc.). Par ailleurs la juridiction arbitrale internationale est souvent saisie de demandes d’annulations de contrats internationaux générés par la corruption, ce qui permet à l’institution d’être un instrument de lutte contre la corruption.

 

Le droit international a ainsi fait des avancées en considérant que la corruption peut-être invoquée à l’encontre du contrat qui la contient, mais aussi de la sentence rendue sur son fondement.

 

ARBITRAGE ET REGLES ETHIQUES

 

L’arbitre doit faire « une déclaration d’indépendance, d’impartialité et de confidentialité », qu’il est tenu de respecter tout au long de la procédure d’arbitrage. Toute circonstance et tout fait de nature à faire naître un doute raisonnable dans l’esprit d’une des parties sur son indépendance ou son impartialité doivent être révélés, et les parties peuvent récuser l’arbitre dans un délai fixé par la loi. L’arbitre est ainsi tenu de l’obligation de révélation, et de l’obligation de transparence.

 

Avec l’obligation d’indépendance et d’impartialité, l’arbitre doit s’abstenir de tout conflit d’intérêt, respecter certains principes essentiels, tels notamment l’égalité des parties, l’équité de la procédure, le principe de la contradiction ou la loyauté des débats, et accomplir sa mission dans un délai raisonnable. Ces principes il faut le dire, constituent les règles de bonne conduite s’imposant à tout juge, et sont inhérents à la fonction de juger.

 

S’il y a une émergence d’un très grand nombre de règles éthiques dans l’arbitrage il y a aussi différents types de sanction : contractuel, disciplinaire, pénal et également une atteinte à la réputation.

 

Ces règles et mesures sont de nature à protéger l’arbitrage de la corruption. L’arbitre doit manifester un sens de l’éthique plein et entier, et lutter contre la corruption à la fois par les sentences qu’il rend mais aussi par l’exercice indépendante et impartiale de sa fonction juridictionnelle.

 

ARBITRAGE ET LUTTE CONTRE LA CORRUPTION

Les progrès de la lutte contre la corruption au niveau international font que les parties demandent régulièrement l’annulation de contrats internationaux en invoquant des faits de corruption.

 

Les instruments juridiques internationaux de lutte contre la corruption, le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme, dont les Convention des Nations Unies, contre le trafic illicite des stupéfiants et des substances psychotropes (Convention de Vienne de 1988), contre la criminalité transnationale organisée (Convention de Palerme de 2000), contre la Corruption (Convention de Mérida de 2004), la Pacte mondial des Nations Unies contre la corruption de 2000, rappellent que la lutte est internationale. Les organisations internationales comme le Fonds Monétaire International, ou la Banque Mondiale, les organismes régionaux et nationaux œuvrent pour l’efficacité de cette lutte.

 

La reconnaissance de l’appartenance de cette lutte à l’ordre public international permet à l’arbitre de refuser de reconnaître l’exécution d’une convention prévoyant la distribution de commissions illicites. La jurisprudence de la Cour d’Appel de Paris reconnait la lutte contre la corruption comme relevant d’un ordre public international s’imposant non seulement aux arbitres, mais aussi aux juges. C’est ainsi que le pouvoir de l’arbitre de refuser de prononcer l’exécution de contrats de commissions illicites et de les annuler a été clairement retenu (Paris, 10 sept. 1993, RCDIP 1994, p. 349, note V. Heuzé ; Rev. Arb. 1994, P. 359 Note D. Bureau).

 

Le droit international reconnait un régime juridique d’annulation des contrats de « pots de vin », en droit de l’arbitrage. Le Tribunal arbitral du Centre international pour le règlement des différends relatifs aux investissements – CIRDI (arbitrage en matière d’investissement, dans le cadre de la Convention de Washington de 1965), a jugé que la corruption est une composante de l’ordre public des Etats concernés. Elle va aussi s’imposer au juge chargé de contrôler ou d’assurer l’exécution de la sentence arbitrale. A l’occasion d’une action en annulation, dans des cas limitativement énumérés par la loi, le CIRDI considère que la corruption peut-être invoquée, et est susceptible d’être recevable au titre de l’ordre public international (Décision du 5 février 2002, point n° 47 de la décision. Traduite et reproduite in E. Gaillard, « La jurisprudence du CIRDI », Pedone 2004, P. 689 et s. – Wena/Egypte).

 

Le problème réside cependant dans la difficulté de rapporter la preuve de la corruption intervenue à l’occasion d’un arbitrage. Les hypothèses de corruption avérée d’arbitres sont en effet rares.

 

Un problème propre à Madagascar est celui de l’insécurité juridique résultant de l’existence de la corruption au sein du système judiciaire. Le reproche souvent fait aux juges étatiques malgaches est d’une part, de retenir sa compétence malgré l’existence d’une clause compromissoire donnant compétence à l’arbitre, et d’autre part, de rejuger une affaire lorsqu’il est saisi d’un recours en annulation ou d’une demande d’exéquatur, au mépris des dispositions du code de procédure civile.

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Voir :

  •  Professeur GARRON et Elena YRIAKIDES – Rapport sur l’amélioration des procédures d’arbitrage pour le règlement des litiges commerciaux à Madagascar – Août 1997. p. 10 et 11.

 

  • CHUK HEN SHUN Lalaina, Juriste en droit des affaires de l’Université Catholique de Madagascar : Quid de la compétence du juge judiciaire face à la convention d’arbitrage ? – Revue Juridique de MCI, n° 65-66, 1er et 2ème trimestres 2014. iii) Arrêt n°178 du 11 octobre 2011 de la Cour de cassation, chambre civile et commerciale (cassation).

 

Face à ce problème, certains proposent l’adhésion de Madagascar à l’OHADA. Que faut-il en penser ?

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L’ARBITRAGE OHADA

L’Organisation pour l’Harmonisation en Afrique du Droit des Affaires (OHADA) a été créée par le Traité relatif à l’Harmonisation du Droit des Affaires en Afrique signé le 17 octobre 1993 à Port-Louis (Maurice) et révisé au Sommet de la Francophonie Québec (Canada) le 17 octobre 2008. L’organisation vise à harmoniser le droit des Affaires en Afrique aux fins de garantir, au niveau de ses États membres, une sécurité juridique et judiciaire pour les investisseurs et les entreprises.

L’OHADA vise à unifier le droit des affaires et le règlement des litiges par une juridiction supranationale ainsi que la promotion de l’arbitrage. La Cour Commune de Justice et d’Arbitrage – CCJA (organe de contrôle juridictionnel, dont le siège est à Abidjan en Côte d’Ivoire), juge les recours en cassation des affaires relevant de la compétence de l’OHADA.

L’Acte Uniforme relatif à l’arbitrage, véritable loi de procédure harmonisée est applicable dans les 17 Etats membres de l’OHADA. Il faut cependant que l’Etat en cause soit partie à l’OHADA et fasse référence à l’arbitrage CCJA comme mode de règlement des différends relatifs aux investissements réalisés sur son territoire. Le litige doit présenter un lien de rattachement avec l’espace OHADA.

Deux constats sont mis en exergue à savoir : que l’arbitrage OHADA essaye de trouver un terrain d’entente entre les Centres nationaux d’arbitrage et la CCJA, et que l’exéquatur devant la CCJA donne force exécutoire à une sentence dans tous les pays membres de l’OHADA. C’est pourquoi il est considéré comme est adapté au règlement des différends relatifs aux investissements.

 

 

LES ARGUMENTS EN PRESENCE, SUR L’ADHESION DE MADAGASCAR  A L’OHADA

Les arguments en faveur de l’adhésion à l’OHADA :

Les partisans d’une éventuelle intégration de Madagascar à l’OHADA estiment qu’il s’agit d’une opportunité permettant d’assainir la pratique malgache, de bénéficier de la doctrine et d’une communauté large de réflexion qu’apporte l’organisation, et d’attirer ainsi les investisseurs qui auraient ainsi un droit qui leur est familier.

Ce serait aussi un regard extérieur porté sur certaines pratiques contestables inspirées par la corruption. Le contrôle exercé par une juridiction supérieure « intègre » permettrait d’assainir les pratiques de corruption au sein du système judiciaire malgache.

Il est soutenu en outre, que l’adhésion à l’OHADA est un gage de sécurité juridique, d’accès à l’information et à la simplicité.

 

 

Les arguments contre l’adhésion à l’OHADA :

Les personnes contre l’adhésion avancent que l’intégration à l’OHADA n’arrivera à nettoyer le milieu judiciaire malgache. Si l’on veut assainir il faut commencer par sanctionner les corrompus, et les mettre hors du système judiciaire, car il faut avoir le courage et la volonté réelle de les exclure de leur corps d’appartenance respectifs (magistrats, greffiers, auxiliaires de la justice etc.). Les formations sur le droit et la pratique de l’arbitrage, organisées au profit des magistrats et avocats, depuis plusieurs années ne porteront leur fruit qu’à cette condition.

L’incompétence et/ou la corruption de quelques magistrats ne devraient pas être des prétextes pour permettre un abandon de souveraineté, car l’intégration à l’OHADA serait une atteinte à la souveraineté du pays qui s’allierait à d’autres pays trop éloignés de Madagascar culturellement et géographiquement. Selon eux, il ne faut pas s’arrêter uniquement à un point de vue législatif, mais voir aussi les aspects utilitaristes et politiques. Porter devant la CCJA à Abidjan les dossiers sur le droit des affaires coûtera cher et les justiciables n’auront pas les moyens d’en assumer les coûts.

Une autre argumentation est avancée, l’adhésion de Madagascar à l’OHADA s’étend à tout le droit des affaires et ne se limite pas seulement au droit de l’arbitrage. Or Madagascar a modernisé son droit des affaires depuis une vingtaine d’années en intégrant les principes du droit OHADA, tout en gardant son originalité. De nombreuses législations telles que: la loi sur la théorie générale des obligations, la loi sur les sûretés, la loi sur les procédures collectives d’apurement du passif, constituent même des sources d’inspiration pour d’autres pays (Cf. Actes du Colloque Capitant sur Droit du contrat et des sûretés dans l’Océan Indien – Ile Maurice 29-30 avril 2015). Enfin, Madagascar a des lois originales hérités du droit d’avant la colonisation française, comme le contrat de « fehivava ». Faut-il vraiment abandonner tout cela au nom de la lutte contre la corruption qui gangrène le système judiciaire ?

 

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Septembre 2017

Mme Bakolalao Ramanandraibe

Présidente honoraire de la Cour de cassation

Arbitre du CAMM

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